SKALLETI, UNE SOUCHE FRANÇAISE HISTORIQUE AU DÉPART DES CHAMPION STAKES
Le beau Skalleti porte tout un héritage français dans les Champion Stakes demain (APRH)
Jeune entraîneur installé sur le centre d’entraînement en plein essor de Calas, Jérôme Reynier connait une forme superbe, notamment avec les pensionnaires de Jean-Claude Seroul. A ce titre, il entraîne Skaletti, un cheval hors du commun élevé par Guy Pariente, qui compte 12 victoires en 15 sorties, dont 5 groupes. Le gris va tenter samedi à Ascot de remporter un Gr.1 mérité, et affronte un grand lot dans les Champions Stakes. Plutôt que de vous parler de sa carrière, que l’on connaît par coeur, nous nous sommes penchés sur ses origines, qui renferment plein d’anecdotes croustillantes. Skaletti pour commencer, est un fils de l’étalon de Colleville Kendargent, qui est lui aussi en quête d’un 1er Gr.1, qui serait ô combien mérité. Il est en pleine forme cette année avec de nombreux gagnants de groupes, mais Skaletti semble le plus en mesure d’aller lui décrocher ce fameux graal.
Jérôme Reynier (APRH)
La mère de Skalleti, Skallet, est une fille de Muhaymin, un des rares fils si ce n’est le seul, du chef de race AP Indy à avoir fait la monte en Europe, en l’occurence au Haras des Faunes d’ Alain Chopard. Skallet a été élevée par l’écurie Jarlan, une figure du Sud-Ouest et des courses hippiques. Skallet a commencé sous ses couleurs chez Christian Baillet, se plaçant 3e de Gr.3, avant d’être curieusement mise à réclamer. Elle a gagné une épreuve de ce genre, étant acquise ce jour là par Guy Pariente pour un peu plus de 40000€. A la suite, elle est passée chez Stéphane Wattel, qui lui a fait gagner une listed et se placer de groupe à nouveau. Outre Skalleti, elle a produit les black-type Skalleto et Skazino. Skallet aurait dû passer à une vente d’élevage ARQANA en 2018, mais a été finalement retirée, alors que Skalleti venait d’enchaîner 2 victoires pour ses 2 premières courses… Une idée plus que fructueuse après coup !
Skallet, la mère de Skalleti, sous les couleurs de Guy Pariente (APRH)
Skalleti, avec ses exploits en piste, fait honneur à un grand élevage, d’où est originaire sa souche. Il s’agit du Haras de Malleret, historiquement connu pour avoir été tenu par la famille du Vivier. Haras situé au Pian, dans le Médoc (Gironde), il a été fondé vers 1875 par Paul Clossmann (débutant sur le turf en 1877). Sous ses couleurs (Cerclée orange et violet, toque noire) il remportera à 4 reprises le Derby du Midi entre 1877 et 1888 avec Le Mormon (1877), Chapeau Rouge (1887) devant Allée d’Amour (lui appartenant également) ou encore Saint-Hubert (1888). Paul Clossmann décède en 1912, et le Marquis Renaud du Vivier de Fay-Solignac (d’où le prix Renaud du Vivier), son neveu, se retrouve à la tête de la propriété de Malleret et du Haras de Labouret. Il adopte, d’ailleurs, les couleurs de son oncle. Le Marquis Renaud du Vivier a été président de la Société des Steeple-Chases de 1968 à 1977. Sous les couleurs de son épouse (née Marie-Louise Goldet et petite-fille d’Emile Deutsche de la Meurthe), Val De Loir remportera le Prix du Jockey-Club 1962, acheté yearling à Deauville, à l’amiable à Robert Forget, son éleveur.
Comme éleveur, le Marquis du Vivier a longtemps été associé à Paul et René Duboscq, locataire du haras de Malleret.
Le Haras a vu naître, nombre de « cracks » dont :
RAMADAN (élevé par Paul Clossmann, vendu yearling 4.200 F. à J. Gadola) Grand Critérium et Critérium de Maisons-Laffitte 1899 puis étalon.
LA SORELLINA, gagnante du Prix de Diane et l’Arc de Triomphe 1953.
SILNET, gagnant du Prix Greffulhe, second du même Prix de l’Arc de Triomphe 1953, derrière sa sœur, du Grand Prix de Saint-Cloud, 3e du Prix du Jockey-Club 1952, puis Etalon. Le frère et la sœur étaient tous les deux entrainés par Etienne Pollet.
NELCIUS, Prix du Jockey-Club 1966, entrainé par Marcel Margot et Miguel Clément.
Tous les trois étaient la propriété de Paul Duboscq, associé au Marquis du Vivier.
PHILANTE, Prix Vermeille 1954, 3e Oaks d’Epsom, entrainée par Etienne Pollet
Le Marquis du Vivier a élevé, en toute propriété, LA LAGUNE, vendue yearling à François Boutin pour 26.000 Francs. Elle remportera les Oaks d’Epsom 1968, et se classera au troisième rang du Prix Vermeille, sous les couleurs d’Henry Berlin, et premier vainqueur classique de François Boutin.
La Sorellina, une des plus fameuses élèves du Haras de Malleret, remporte l’Arc 1953 (©Getty images)
Si La Lagune a été vendue yearling, ce ne fut pas le cas de La Manille, la 5e mère de Skalleti ! Cette jument de l’élevage du Vivier fut, sous les couleurs du marquis, une très bonne coursière. En 1971, elle se plaça notamment 2e des prix Pénélope et de Pomone, mais aussi 3e des Oaks d’Epsom (Gr.1) ! La souche se retrouvera chez la Marquise de Moratalla avec La Manouche, une de ses filles. Entre temps, en 1985, le marquis du Vivier disparaît, et Malleret fut repris par son neveu Bertrand Du Vivier. A la mort de celui-ci, son fils Alain mit en vente le Haras, qui fut acheté par un tiers, abandonnant l’élevage de pur-sang. Entre temps, la souche de Skalleti était revenue dans les mains de la famille du Vivier, avec Surubinha, la 3e mère de Skalleti. Elle donnera Percent Premium, gagnant du Derby du Languedoc, mais aussi Siran, plusieurs fois placée de listed, et grand-mère de Skalleti. Siran avait accumulé 16 victoires, chez Jean Claude Napoli sous les couleurs Khalifa, avant de passer dans le giron de l’écurie Jarlan.
Le chateau de Malleret de nos jours (©figaro vins)
La casaque Séroul a déjà une histoire avec l’élevage du Vivier du Haras de Malleret. En effet, Alain Décrion, courtier pour Jean-Claude Séroul, était impliqué dans l’achat de Lagunette, propre soeur de La Lagune. Elle allait se révéler meilleure que sa soeur, sous l’entraînement de Marius Berghgracht (le père de Marc Antoine et Olivier), en remportant les Irish Oaks et le prix Vermeille 1976. Elle avait été achetée à l’amiable durant l’hiver 75-76, après un succès à 2 ans et une tentative infructueuse dans le Critérium de Saint Cloud. Le Marquis du Vivier avait acheté la mère Landerinette à la famille Stern pour la modique somme de 9600 francs, mais il l’avait revendue. Elle a ensuite donnée naissance à un poulain, second du prix Hocquart, qui est devenu étalon en Argentine. Une autre de ses filles sera à l’origine de Cheerfully, 3e du Critérium des Pouliches.
Vous l’aurez compris, la tentative de Skalleti dans les Champion Stakes est une réussite totale pour l’élevage français, l’hexagone ayant vu naître l’entièreté de la souche. Il ne reste plus au beau gris qu’à suivre les traces de ses aieux, et tout se passera au mieux !
Jérôme Reynier et Jean-Claude Séroul face à l’histoire (©paris turf)